Je trouve enfin le temps d’écrire, après quelques mois de préparation intense. Le plus dur c’est de partir, de fixer une date … … et surtout de s’y tenir.
Depuis le début de l’année nous faisons face à des problèmes du style :-scolarité des enfants (Esther en CE1 et Damien en CP), tenue d’un budget cohérent, déménagement de la maison, modification
des cabines pour les rendre fonctionnelles à une famille pendant 3 ans, équipements à acquérir, les assurances …
Partir implique des choix difficiles. En quittant notre location nous avons dû faire de nos affaires 4 tas : – 1 pour le bateau, 1 pour le garde meuble, 1 pour le dépôt vente et 1 pour la déchetterie. Le tas destiné au bateau a même été un peu gros : celui-ci s’est enfoncé de plusieurs centimètres et la ligne de flottaison peinte en jaune est maintenant sous l’eau à l’arrière du bateau.
Jeudi 26 Août
Le niveau de préparation est satisfaisant et la météo semble bonne (c-à-d : vent modéré et relativement bien orienté pour atteindre la pointe Nord-ouest de l’Espagne.
La traversée se passe bien avec la perte de trois pales de notre éolienne « Fanny » entre la sortie de la Vilaine et l’île Dumet puis, nous apercevons des dauphins et pêchons des maquereaux. Esther semble s’amariner plus rapidement que Damien qui demande à dormir avec un seau.
Les cours du CNED (Centre National d’Enseignement à Distance) sont durs à supporter par forte houle et la belle écriture devient synonyme de torture et les cahiers d’exercices se remplissent de hiéroglyphes.
Mercredi 1er septembre 2004
Le rêve commence à devenir réalité puisque nous avons traversé le golfe de Gascogne. Nous sommes arrivés à Camariñas, charmant petit port de la côte de Galice. Nous rattrapons le retard des cours des enfants.
Instituteur est un travail passionnant, mais requiert beaucoup de patience. Par exemple, en éveil musical, Damien est censé apprendre « l’eau vive » de Guy Béart… …Autant enseigner la lecture à un oursin! En remplaçant les paroles « Ma petite est comme l’eau » par « Ma grand-mère fait du Judo » ça marche, il retient tout en 3 minutes. Ce ne sera pas du goût des correcteurs, mais comme disait Pierre de Coubertin « l’essentiel c’est de participer ».
Tout près de Camariñas, au Cabo Vilano, les Galiciens ont installé de nombreuses éoliennes. Par centaines, elle sont installées pour le futur, font peu de bruit et sont largement moins moches que les centrales nucléaires.
Malgré les nombreux efforts en France, nous sommes largement à la traîne de l’Europe.
Nos enfants sont sensibilisés à cette énergie propre et à la chasse au gaspi. Il me questionnent fréquemment sur la tension des batteries (Il faut dire que leur motivation est liée à la possibilité de voir des cartoons à la télé).
Descente de la Galice
Camariñas : 43°08N 9°11W
Muros : 42°47N 9°03W
Iles Cies : 42°13N 8°54W
Baiona : 42°07N 8°51W
8 septembre 2004
Nous allons à Muros dans une baie 40 milles plus au sud. Nous naviguons depuis la Roche Bernard avec le bateau « Tourne Lune », jonque construite en 11 ans par un amateur averti: Pascal.
Celui-ci, sa femme Hélène et leurs 2 enfants Cécile et Quentin vont comme nous vers les Antilles.
Nos enfants et les leurs se retrouvent très souvent et Damien s’échappe bien vite avec l’annexe, une fois ses cours finis afin de débaucher ses camarades pour une partie de plage, de pêche, de lego ou de cartoons s’il pleut
Après 2h de car, nous faisons un petit pèlerinage à Santiago de Compostela qui semble très surveillé par les forces de police.
La ville semble un peu endormie par la pluie et les spectacles de rue, normalement très nombreux, se font plus rares.
Nous croisons d’authentiques Pèlerins venus à pieds depuis toute l’Europe, avec le bâton de marche, la gourde et le sac à dos. Nous apercevons des armadas de scout venant confesser leurs péchés.
12 septembre
Nous arrivons aux « iles Cies » (rebaptisées par les enfants « iles Sieste »), un petit coin de Paradis à l’entrée de la baie de Vigo. Avec un décor pareil, promenades à gogo et baignages aglagla (l’eau est à 16°C)
La végétation est constituée principalement de pins et d’eucalyptus comme le reste de la côte de la Galice.
Autour de nous se relaient les caseyeurs, les pêcheurs de seiches et de calamars.
16 Septembre
Nous arrivons à Baiona avec une marina assez guindée et chère. Le tarif est de 30€ pour un bateau de 12 m. Fort heureusement mon bateau est fait en « elasteel » acier qui se rétracte à la vue d’un capitaine de port. L’ardoise tombe à 19€, ce qui est déjà cher.
Baiona est le port ou Christophe Colomb revint pour faire part de sa découverte d’un continent nouveau.
La ville est en cours de bétonnage intense et j’ai peur de voir un nouveau « La Baule » d’ici 10 ans !
Descente des côtes du Portugal :
Viana do Castelo : 41°41N 8°50W
Leixoes : 41°11N 8°42W
Cascais : 38°42N 9°25W
Lisboa : 38°40N 9°18W
21 Septembre
Après une journée de pétole et de 6h de moteur, nous arrivons à Viana do Castelo au Portugal. L’accueil est chaleureux, mais les formalités administratives un peu lourdes (on se demande s’il on est en Europe !), le dépaysement un peu plus prononcé qu’en Galice. Le Portugais est une langue difficile où la prononciation semble éloignée de l’écrit. Les gens me pardonnent vite mon terrible accent « portugnol » et nombreux sont ceux qui poursuivent en anglais ou français.
Petit exercice : Nous montons les 650 marches menant à la Basilica du Monte de Santa Luzia.
La leçon de math du jour consiste à compter les marches au fur et à mesure : les enfants se trompant de nombre devront reprendre l’ascension depuis le début.
C’est sous le cagnard (35°C) que nous entamons ce jeu éducatif (qui a dit « stupide » ?). Damien s’en tire bien, mais par contre Andréa tire la langue en suppliant qu’on lui apporte une tisane de malt et houblon fermentée et frappée. (pas anglaise pour rien !)
A partir de mi-hauteur, se trouvent de nombreuses croix, certainement celles de pèlerins ayant succombé.
Dans les petites rues de Viana, nous achetons une pieuvre vivante à une vendeuse ambulante. Cette vision orgiastique de tentacules a beaucoup intrigué les enfants et horrifié Andréa qui refusait de porter le sac de peur de se faire attaquer par un monstre digne de 20 000 lieues sous les mers.
Qui allait tuer la pieuvre ? devant le manque de volontaires, Andréa a jeté le sac au frigo et l’a oublié pendant 3 jours histoire de s’assurer de la mort de la bête.
24 Septembre
Après une autre journée de pétole, qui vient ternir la réputation de l’alizé portugais (vent de nord soufflant régulièrement), nous arrivons grâce au ronronnement de mon vieux Renault-Couach (qui doit fêter ses 40 ans (20 ans de pêche et 20 ans de plaisance) à Leixoes (prononcer Laychon-Hishh), grand port près de Porto.
Leixoes est beaucoup moins casse-tête et dangereux que le rio Douro (rivière de Porto) avec des courants de 6-7 nœuds au jusant de mi-marée d’équinoxe. Cependant Leixoes, est le gros port de commerce avec un fort trafic de porte containers, de pétroliers et gaziers. Le port a été victime fin juillet d’une pollution par le pétrole et la petite marina locale est toujours en cours de nettoyage.
Ah oui, le 24 septembre, c’est aussi l’anniversaire à Damien qui fête ses 6 ans et nous promet de ne plus jamais sucer son pouce…
… Promesse non tenue, car après avoir mis du vernis amer, nous avons essayé le serflex, mais la rébellion a fait rage. L’idée de ressembler à Bugs Bunny ne lui fait pas peur.
Nous ressortons donc la bête pour la préparer la disséquer et l’examiner dans ses moindre recoins, en arracher le bec, les tripes et la poche d’encre qui sert pour la sauce. Les gamins sont très friands de ce cours de biologie et mettent volontiers les doigts jusqu’au coude dans les boyaux et l’encre et arrachent la peau visqueuse…
…pour ensuite se régaler d’un festin de tentacules violettes
Porto
Porto est une jolie ville de contrastes. De jolis monuments et un centre très cosmopolite et « clean » côtoient des bidonvilles et maisons en ruines aux façades noircies par la pollution.
Porto est très attrayante avec ses maisons anciennes recouvertes de céramiques peintes, ses trams en bois, ses embarcations traditionnelles et bien sûr ses caves.
Le vin de porto est vraiment trop sucré à mon goût, le Vinho Verde de base est très bon, pas cher : bref d’un rapport qualité/prix nettement supérieur au Muscadet sur lie
Nous revenons au port en prenant un vieux tram. Les sièges sont en bois et le coté rétro du véhicule est un enchantement pour les visiteurs.
Aux arrêts, des gamins s’accrochent à l’arrière afin de voyager gratuit au plus grand étonnement de Damien, qui n’a vraiment pas besoin qu’on lui donne ce genre d’idée de casse-cou.
Nous descendons voir la barre de sable à l’embouchure du rio Douro qui produit de jolies déferlantes à marrée descendante.
1er Octobre
Nous arrivons à Lisbonne, ville plus standard et avec peu de caractère. Les gens sont plus pressés et stressés. A la première sortie que nous effectuons en tram. Celui-ci s’arrête au bout de 5mn : pickpocket à bord, on attend la police. Au bout de 20mn, les gens s’impatientent et les fermetures de sécurité sont percutées. 10 personnes se tirent dont Andréa, les mômes et moi.
Non mais ! Je ne suis ni pickpocket ni patient !
Heureusement, non trouvons un remarquable 3 mats : Le D. Fernando II e Gloria, Frégate de guerre à voile avec tout ses équipements. Nous sommes resté 2h à bord.
Esther et Damien étaient passionnés et voulaient tout savoir sur tout, de la tête du mat au fond de la cale.
Damien se demandait bien ce qu’avait pu faire le matelot que l’on avait mis aux fers. Réponse motivée des parents : c’est un gosse qui ne faisait pas sont CNED !
5 Octobre
Faisons escale à Cascais (prononcer « Cachcaïch ») afin de faire les dernières courses avant Madère. La ville est plus petite, plus agréable et à taille plus humaine.
Nous devons nous réfugier dans la marina, car au mouillage le vent de force 8 avait levé une belle mer, rendant la vie à bord très inconfortable.
Près du port, nous découvrons un petit jardin public où poussent de la vigne et des bananiers. Dans un étang nagent des canards, des cygnes et des tortues de Floride.
Les aires de jeux pour enfant sont immenses.
Nos Gremlins sont très demandeurs de ces jeux, car ils se défoulent tout en communiquant avec d’autres gamins : c’est une bonne occasion d’apprendre le portugais.
Nous avons remarqué, qu’en Espagne et au Portugal, les aires de jeux sont nombreuses malgré le niveau de vie moins élevé de la population
Avant de partir nous postons les évaluations du CNED avec une petite note de ma part : « ces évaluations ont été obtenues grâce à nos menaces et aux pleurs de nos enfants. Le Français est pour eux une torture… »
11 Octobre
Traversée Cascais – Porto Santo (33°03N 16°20W) 470 miles en 4 jours et demi :
Pendant cette traversée, les enfants se sont tous 2 bien amarinés, si bien que dans le cockpit ils ont dessiné les plans du futur catamaran qu’ils prévoient de construire à Madère après avoir abattus 4 arbres chacun.